De tout temps, l'être humain a été captivé par les histoires, à commencer par les mythes fondateurs des grandes civilisations. Combien de formidables conteurs entrainant leur audience très loin dans l'imaginaire ? Aujourd'hui, le storytelling en formation suscite l'intérêt tout en aiguisant les curiosités. Quels sont les atouts de ces techniques narratives et comment les mettre au service de l'apprentissage ?
Il était une fois une humanité friande de storytelling appliqué à différents contextes
Pourquoi Platon raconte-t-il la vie et l'enseignement de Socrate ? Comment le cinéma réussit-il à partager des histoires avec le plus grand nombre ? S'il dispose d'un talent inégalable de conteur, l'être humain fait aussi preuve d'un goût immodéré pour les récits. De la transmission orale aux livres et aux fils, voire à certaines expositions, le storytelling ou l'art de raconter des histoires vient aiguiser l'intérêt de l'audience pour emporter l'adhésion. Sa vocation est alors exclusivement de distraire.
Qu'en est-il en formation ? Dans ce contexte, l'objectif du storytelling est de permettre aux apprenants d'assimiler un contenu de formation plus ou moins complexe de façon simple et intuitive. l'ambition est exclusivement pédagogique. Le storytelling doit donner du sens et s'appuyer sur différents ressorts dramatiques pour faciliter l'apprentissage en permettant d'actionner plusieurs leviers clés.
Le storytelling, c'est l'art de communiquer et de transmettre des compétences, des connaissances, en incarnant cette transmission.
Première étape : structurer un parcours de formation via un fil rouge
En formation présidentielle ou distancielle, il est difficile de capter l'attention des apprenants si l'on se contente d'être factuel, didactique, rationnel. Certains participants peuvent avoir été inscrits à un module qu'ils n'avaient pas choisi, d'autres, ressentir une appréhension en raison de mauvais souvenirs scolaires, etc. Il s'agit donc de mettre en oeuvre une stratégie d'apprentissage. Le storytelling y participe en déroulant un fil rouge qui va structurer tout le parcours pédagogique. L'idée est de susciter le désir, de provoquer des émotions en racontant, en imageant, en inventant. Ainsi sollicités, nos sens et notre intelligence émotionnelle fonctionnent de concert avec la pensée rationnelle.
- Résultats : l'infusion de l'information, sa mémorisation et sa mobilisation par les participants sont décuplées.
- On est loin du simple ajout d'un surcoupe ludique pseudo narrative, pour rendre un contenu pédagogique plus digeste.
Les modules de formation tels qu'ils sont conçus, s'avèrent souvent éloignés des problématiques réelles de l'apprenant. L'idée est donc de partir de la propre histoire du participant, des obstacles qu'il peut rencontrer dans l'acquisition d'une pratique ou d'une compétence, pour concevoir un storytelling de formation.
- Avec le storytelling, on prend en compte ces aspects très inconscients inhérents à la mise en oeuvre du contenu de formation.
- On segmente ensuite ce contenu en fonction des difficultés.
- On intègre le contenu pédagogique dans les différentes étapes d'acquisition.
- On scénariste ces étapes en y instillant du ludique, de l'émotion, etc.
Deuxième étape : élaborer son storytelling de formation autour de l'apprenant
Il s'agit de respecter certaines règles :
- L'objectif de la formation doit être clair et les points essentiels à intégrer, bien déterminés.
- On cherche à connaître l'apprenant et son histoire en utilisant un outil comme la carte d'empathie, l'un des outils de design thinking.
- Une situation initiale, un contexte.
- Un élément perturbateur venant déstabiliser la situation initiale, pour accrocher l'audience et créer une forme de suspense.
- Des facteurs de résolution qui contrecarrent l'élément perturbateur.
- Une situation finale, l'objectif que l'on souhaite faire atteindre à l'apprenant.
Troisième étape : faire vivre une expérience marquante aux apprenants
Adossée aux neurosciences, la neuro-pédagogie révèle toute l'importance des émotions en matière d'apprentissage. Notre état émotionnel va favoriser l'envie d'apprendre, ou non. A contrario, un excès de stress ou de fatigue limite nos capacités d'attention et de mémorisation. Raconter une histoire suscite naturellement des émotions, en matière de formation, elles activent chez le participant une besoin d'identification.
L'apprentissage va ainsi pouvoir s'ancrer chez les participants.
Le storytelling permet de capter l'attention au-delà de l'intérêt porté au contenu lui-même, l'implication du formateur étant décisive.
L'engagement se crée grâce aux ressorts dramatiques du récit, qui varient, stimulant les fonctions cérébrales faites pour réagir à l'imprévu.
La mémorisation est simplifiée par les liens établis entre les éléments structurants du storytelling, ce sont eux qui donnent du sens. On sait désormais que les éléments liés entre eux par la narration sont plus faciles à retenir que lorsqu'ils sont isolés.
Happé par l'histoire, l'apprenant l'est aussi par le contenu de formation.
Quatrième étape : personnaliser le contenu pédagogique grâce au storytelling pour créer un lien pluridimensionnel
La capacité créer du lien via la narration, entre le formateur et les apprenants ainsi qu'au sein du groupe lui-même, est ce qui différencie un apprentissage expérientiel d'un apprentissage linéaire. Or l'émotion et le souvenir des moments vécus lors de la formation vont favoriser la rétention à long terme des connaissances et compétences. Un équilibre doit toutefois être établi entre le fait d'amener des éléments concrets issus du parcours du formateur et celui de laisser les apprenants découvrir leur rapport personnel au contenu de formation, pour être ensuite en mesure de mobiliser leurs acquis. En termes de storytelling, l'authenticité est un maître-mot : un formateur congruent avec ce qu'il transmet va doter son storytelling d'un maximum de force et générer de l'enthousiasme.
Permettant de structurer les parcours pédagogiques, le storytelling en formation stimule l'attention des apprenants, crée chez eux de l'émotion et les engagé dans leur formation comme il le feraient dans la vraie vie.
Il était une fois... la formidable aventure de l'apprenante et de sa facilitation.
Source : Lefebvre Dalloz (CSP Docendi)