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La grande démission : conséquences pour la formation professionnelle

Publié le 15 Septembre 2022, 16:56pm

Catégories : #Ressources humaines, #Formation, #innovation pédagogique

La grande démission : conséquences pour la formation professionnelle

"C'est toujours sur une démission collective que les tyrans fondent leur puissance"

Maurice DRUON

 

Du travail sans qualité à une bonne vie

Du travail sans qualité décrit par Sennett, travail qui obère toutes aspirations individuelles, nous passerions peut-être au travail perçu comme inconséquent ou, pire, nuisible avec un déni de sens, notamment au regard des crises sociétales et climatiques actuelles. Plus de 520 000 personnes ont démissionné en France au 1er trimestre 2022, soit 2,5% de la population. C'est le pourcentage le plus élevé observé depuis la crise de 2008.

Il y aurait donc un lien entre situations de crise et mouvements de personnel accélérés sur le marché du travail. Après une contention du marché du travail, des opportunités d'emplois nombreuses se libéraient mais nombre d'emplois faiblement rétribués ou mal qualifiés ne trouveraient plus preneurs. Ainsi, plus de 42% des moins de 35 ans envisagent de quitter leur emploi pour donner de nouvelles perspectives à leur carrière. D'après l'enquête BVA et un échantillon représentatif de 5 162 personnes, la perte de sens est la raison la plus partagée (22%), puis l'insatisfaction due aux conditions de travail (23%), la rémunération (22%) et une pression trop importante (20%). Les commentaires journalistiques évoquent la Grande démission en frissonnant et en cherchant à se rassurer en disant qu'elle est toute relative.

Mais cela n'est rien au regard de la situations des différents pays d'Europe. Des pays comme l'Allemagne ou l'Angleterre frôlent ou dépassent les 5%. Aux USA, qui a été précurseur du mouvement, ce sont 4,3 millions de salariés qui ont démissionné. Le taux de turn-over est passé à 2,9%, soit un demi-point au-dessus de son niveau d'avant la pandémie. En effectif, cela correspond à 20 millions de salariés qui n'ont pas envie de retourner au bureau après la Covid ou bien qui vivent des burn-out ou tout simplement qui ont envie de changer de vie et de trouver plus de sens. Le marché de l'emploi tendrait à se fluidifier en même temps que des modes de vie et d'habitats alternatifs s'inventent sous la forme de cabanisation ou zone à défendre.

La situation de tension sur le marché de l'emploi créée des opportunités pour les salariés déjà en poste, encore exacerbée par un creux démographique dans une classe d'âge, susceptible en retour d'accentuer des démissions plus nombreuses. Ces démissions se produisent dans un marché de l'emploi dynamique puisque six mois après en moyenne, les démissionnaires ont déjà retrouvé un emploi, même si les emplois ne sont pas toujours à la hauteur des espérances. C'est pourquoi les entreprises sont tenues de développer une offre RH allant au-delà du minimum de la Marque employeur et de prendre en considération les nouveaux rapports au temps, la flexibilité du télétravail, l'envie en particulier des collaborateurs qualifiés de se réaliser pleinement dans leur job.

Pour la philosophe Julia DE FUNES, la Covid a renversé l'ordre des priorités.  Chaque individu cloîtré dans son domicile a fait l'expérience d'accommoder son travail à sa vie, plutôt que sa vie au travail. Ce contexte, où le travail pénétrait dans les intimités, a permis de générer massivement de nouveaux repères qui sont peut-être au coeur des renégociations implicites actuelles quant aux relations de travail, moins considérées dans son statut social et plus comme une activité parmi d'autres, mais moins centrale que dans la vision traditionnelle.

Il est donc à prévoir une augmentation du nombre d'employeurs dans une vie (10 à 15) et une gestion RH plus dynamique en flux plutôt qu'en stock et probablement une tension sur les salaires. S'observe également un retour du discours sur l'engagement plutôt que la motivation et le supplément d'âme attendu de la part des managers ou des collaborateurs pour capter cette part de valeur au travail qui se décrit de moins en moins facilement dans un contrat de travail. A l'ère d'une société quaternaire centrée sur les connaissances individuelles et collectives, largement invisible, la dérive de cette approche a été dénoncée, en particulier la dépendance affective qu'elle entraîne.

Conséquences et questions pour la formation

Dans ce contexte, la formation a aussi un rôle à jouer. La part de départs en formation à l'initiative du collaborateur acceptée par l'employeur va probablement augmenter. Elle pourrait bien être un indicateur de liberté supplémentaire attribuée par l'employeur à ses collaborateurs.

L'exigence de qualité de la formation et le sens pour soi et son évolution propre seront aussi de mise. Il n'est plus question de vivre un stage non choisi à l'initiative de l'employeur qui ressasse des banalités pour faire avaler la dernière réorganisation. Il est attendu que la formation soit véritablement un outil pour évoluer, pas seulement dans sa carrière mais dans sa vie. La formation s'intéresse alors aux transitions et pas seulement aux savoir-faire.

Dans la conjoncture post-Covid, le rapport entre employeur et collaborateur change de point d'équilibre dans les départs en formation. Les formations sont espérées comme contributrices de transformation de soi. De façon opportuniste, des entreprises développent des offres de formation pour accompagner les rêves de reconversion, par exemple en jouant sur le marketing de soi et en faisant la promesse d'une meilleure visibilité sur les réseaux sociaux. Bien sûr, les MOOC et les offres en ligne ont toute leur place à jouer.

Une reconversion préparée a plus de chances d'aboutir qu'un départ sur un coup de tête. Les dispositifs de bilan de compétences ou à mi-carrière s'avèrent fort utiles et auront probablement un rôle de plus en plus important à jouer. Pour la situation française, selon l'étude de France Compétences, 67% des actifs ayant réalisé une reconversion professionnelle volontaire ont eu recours à un accompagnement et 58% à une formation. Seuls 15% n'ont fait appel à aucune de ces deux démarches.

Enfin, de nouveaux moteurs pour apprendre se font jour, en lien avec les transitions pour une ces formations soient en phase avec des projets concrets comme dans la proposition de Managers et Territoires ou sur la base de projet d'intérêt communs que peuvent proposer les entreprises.

Relativisons toutefois en fonction du type d'emploi et des niveaux de rétribution, nombre de collaborateurs cherchant déjà à satisfaire les fonctions primaires.

Ces transformations posent des questions considérables aux entreprises qui vont devoir partager plus avant leur pouvoir sur l'organisation du temps et de la vie de leurs collaborateurs.

 

Source : THOT CURSUS - Formation et culture numérique

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