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La Minute d'Actu

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L'abandon de poste deviendrait une sorte de prise d'acte bis

Publié le 9 Octobre 2022, 10:27am

Catégories : #Ressources humaines

L'abandon de poste deviendrait une sorte de prise d'acte bis

L'abandon de poste a surgi dans les débats sur le projet de loi Marché du travail lors de l'examen du texte en commission des affaires sociales. Quelles sont les difficultés juridiques soulevées par l'abandon de poste . Les propositions de réforme permettraient-elles de mettre fin à cette pratique ?

Comment peut-on définir l'abandon de poste et le différencier de situations connexes ?

L'abandon de poste n'est pas défini par la loi, mais juridiquement, on peut le qualifier comme toute absence injustifiée et prolongée ou repérée d'un salarié. Il faut effectivement le distinguer de plusieurs situations :

  • De l'arrêt maladie justifié,
  • De l'arrêt maladie qui n'est pas justifié dans les 48h, comme le prévoit la loi, mais plus tardivement,
  • Du droit de retrait qui, en général, n'est pas prolongé, doit respecter une procédure et être justifié par un danger grave et imminent formellement identifié (si des conditions ne sont pas réunies et que l'absence se prolonge, cela constitue alors une absence injustifiée),
  • De la prise d'acte d'un salarié qui invoque le non-respect par l'employeur de ses obligations essentielles. Le salarié demande au juge que le contrat de travail soit rompu aux torts de l'employeur. La prise d'acte peut être justifiée si les juges l'estiment fondée contrairement à l'abandon de poste qui est une inexécution fautive de son contrat de travail par le salarié,
  • De la demande de résiliation judiciaire par le salarié,
  • De la démission qui n'a pas à être justifiée, ne se présume pas (selon le droit positif actuel) et doit être expresse et non équivoque.

 

Comment l'employeur peut-il faire face à l'abandon de poste ?

La seule issue à l'abandon de poste est le licenciement. A défaut, le contrat de travail se poursuit. L'employeur cesse de payer le salarié mais ce dernier reste pris en compte dans les effectifs de l'entreprise. L'abandon de poste constitue par hypothèse une faute du salarié et, bien souvent, une faute grave car, par définition, il rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. L'employeur, en cas de faute grave, n'a donc pas à verser d'indemnités de licenciement et de préavis.

 

Dans quel délai l'employeur doit-il réagir ?

L'employeur a intérêt à agir rapidement. Il convient, en pratique, d'attendre trois jours ouvrés, le temps de voir si le salarié lui adresse une justification d'absence valable. Dans le cas contraire, l'employeur doit envoyer au salarié une mise en demeure par LRAR et éventuellement la doubler d'un E)Mail. Dans ce courrier, l'employeur demande au salarié, soit de lui adresser une justification d'absence, soit de se représenter à son poste dans un délai qui peut aller de deux jours à une semaine à compter de la réception de la mise en demeure. Si le salarié fait parvenir une justification valable à l'employeur, il ne s'agit alors pas d'un abandon de poste. Toutefois, le salarié pourra éventuellement être sanctionné pour n'avoir pas transmis un justificatif d'absence dans les délais. Un licenciement serait toutefois disproportionné  surtout s'agissant d'un salarié ayant une certaine ancienneté et n'ayant jamais commis antérieurement une telle faute. Si le salarié ne répond pas à la mise en demeure de l'employeur, ce dernier peut alors engager une procédure de licenciement pour faute grave.

 

Qu'en est-il de la réforme annoncée ?

En ce qui concerne la réforme annoncée dans le cadre du projet de loi sur le Marché du travail, un premier, un premier amendement prévoyait que l'abandon de poste ne serait plus considéré comme une privation involontaire d'emploi. Retiré, il a été remplacé par des amendements visant à créer une présomption simple de démission en cas d'abandon de poste.

Le premier amendement visait à redéfinir la privation involontaire d'emploi dont serait exclu l'abandon de poste. Le salarié ne percevrait alors pas d'allocations chômage.

La seconde catégorie d'amendements prévoit que le salarié qui abandonne son poste et, après une mise en demeure de l'employeur restée sans réponse, est présumé démissionnaire. Cette mesure constituerait une exception au principe selon lequel la démission ne se présume pas. L'employeur n'aurait plus à licencier un salarié en abandon de poste car ce dernier serait considéré, sous le contrôle du juge, comme démissionnaire et n'aurait donc pas le droit à des allocations chômage.

L'abandon de poste deviendrait une sorte de prise d'acte bis pour le salarié qui pourra saisir le Conseil de prud'hommes afin d'inverser la présomption simple de démission. Il est prévu que les juges devront statuer dans le délai d'un mois, ce qui est le délai déjà applicable à la prise d'acte.

 

Le coeur du problème resterait le préavis

Effectivement, le préavis resterait problématique car c'est ce qui différencie l'abandon de poste d'autres situations connexes citées précédemment. Ainsi, si la prise d'acte est justifiée et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'employeur pourra être considéré comme n'ayant pas permis au salarié d'exécuter son préavis et devra lui payer l'indemnité compensatrice de préavis. Si la prise d'acte est injustifiée et produit les effets d'une démission, c'est le salarié qui pourra être amené à payer l'indemnité de préavis s'il ne s'est pas mis en situation de l'exécuter.

En cas de démission, le salarié est tenu d'exécuter son préavis, sinon il peut être condamné à payer à l'employeur l'indemnité compensatrice de préavis. Actuellement, le salarié dans l'urgence qui ne veut pas exécuter son préavis et qui, par ailleurs, veut percevoir des allocations chômage, préférera recourir à l'abandon de poste.

S'agissant de la première reforme qui était proposée, elle n'aurait rien changé à la question du préavis car l'abandon de poste entraînant un licenciement pour faute grave aurait toujours eu, pour le salarié, cet avantage sur la démission pour le salarié de ne pas avoir à réaliser le préavis. 

En revanche, si du fait de la réforme envisagée, l'abandon de poste entraîne une présomption de démission, alors le salarié sera tenu d'exécuter son préavis. A défaut, l'employeur pourrait lui réclamer le versement de l'indemnité compensatrice de préavis, sous le contrôle du juge.

 

Source : Editions législatives (Pierre WARIN, avocat associé au sein du Cabinet MELVILLE Avocats)

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